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DOCTRINE PHILOSOPHIQUE DE NOVALIS

gination productrice devient démiurge et crée inconsciemment le non-moi qui lui apparaît dès lors comme extérieur au moi.

Cette notion de l’imagination productrice obtient un immense succès auprès des romantiques, en particulier de Frédéric Schlegel et de Novalis. Ils s’en emparent l’un et l’autre pour en tirer l’un sa doctrine de l’ironie, l’autre son idéalisme magique. Seulement s’ils gardent le mot, ils modifient du tout au tout la chose.

Pour Fichte l’imagination productrice fonctionnait d’une manière inconsciente, nécessaire et logique. Novalis au contraire voit bien dans ce principe la faculté fondamentale du moi : seulement cette faculté il la tient pour consciente, libre, arbitraire. Pour Fichte le non-moi est un mécanisme qui prend naissance en dehors de toute conscience et qui est rigoureusement déterminé dans toutes ses parties. Novalis voit au contraire dans le non-moi une œuvre d’art librement conçue. L’imagination créatrice est pour lui l’activité fondamentale du moi, le noyau de notre être, la source commune du monde extérieur et du monde intérieur, la somme de toute réalité spirituelle ou matérielle. Le moi peut dire sien au même titre et au même degré le moment le plus intime de sa vie intérieure comme aussi l’objet le plus concret du monde extérieur : l’un et l’autre ont leur source commune dans l’ima-