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DOCTRINE PHILOSOPHIQUE DE NOVALIS

de toutes pièces son univers à lui, au lieu de subir le contact d’une réalité étrangère et vous obtenez le type achevé et complet de l’idéaliste magique. L’art est ainsi le premier stade de la conquête du monde par le moi. « Les puissances supérieures, les génies qui accompliront un jour notre volonté, sont aujourd’hui des Muses qui nous réconfortent par de doux souvenirs sur l’âpre route de la vie ». Et la victoire suprême de l’idéalisme, l’avènement du royaume d’Eternité sera aussi l’apothéose de la poésie. Dans le conte qui termine le roman d’Ofterdingen et que nous aurons tout à l’heure à interpréter dans le détail, nous assistons, au dénouement, au triomphe de l’amour et de la poésie. C’est la Fable qui, au moment où s’ouvre le règne de l’Eternité prend la place des Parques, et tisse la trame de la destinée universelle.

Nous embrassons maintenant d’un coup d’œil la genèse de l’idéaliste magique. Homme de science, il étend graduellement son pouvoir sur son corps et sur la nature jusqu’au moment où il les domine complètement. Il acquiert la maîtrise entière de son corps et, par son corps, la maîtrise de l’univers. Par la foi et la volonté, il pétrit à sa guise le monde où il vit. Par l’amour il s’élève à l’intuition de la réalité suprême. Par la poésie et l’art il crée le monde tel qu’il le veut. Ainsi s’abolit en lui l’illusion dualiste d’une réalité imposée au moi. Le moi,