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DOCTRINE PHILOSOPHIQUE DE NOVALIS

gressivement Dans l’esprit de l’idéaliste magique, l’univers devient conscient de ce qu’il est réellement. Tout n’est qu’un rêve de beauté, qu’une merveilleuse fantaisie, qui se déroule en dehors de toute loi, de toute contrainte, de toute nécessité, en vertu du libre jeu de l’imagination créatrice, en vertu de la liberté absolue de l’Esprit. Les distinctions élevées entre la Nature et l’Esprit, entre la réalité et la fiction, entre la loi et l’arbitraire s’atténuent, s’estompent, s’effacent. Le chaos renaît enfin — un chaos qui s’est compris lui-même, un chaos devenu conscient de ce qu’il est, de sa nature et de sa vie, un chaos qui est devenu « organique », qui s’est « élevé à la seconde puissance », qui sait qu’il est le déroulement libre d’un rêve de beauté.

Et la poésie est comme le fil d’or qui joint le passé à l’avenir, le Paradis primitif au règne de l’Eternité. On voit apparaître le parallélisme complet entre l’évolution du microcosme humain et celle du « macro-anthrope » qu’est l’univers. La poésie se montre d’abord parmi les hommes à l’état de mythologie où se condense toute l’expérience de l’humanité primitive. Puis, à mesure que se développe le règne de l’illusion dualiste, la dissociation s’opère. La mythologie qui résumait jadis toute la sagesse humaine, apparaît différenciée en une série d’éléments : fiction poétique, science, religion, philosophie, histoire, etc. Enfin, à mesure que se