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DOCTRINE RELIGIEUSE DE NOVALIS

par la base et ruiné cet édifice incomparable. Sans doute le mouvement de la Réforme contre le pouvoir abusif d’un clergé corrompu qui opprimait les consciences fut légitime à son origine. Mais le protestantisme a eu le tort irréparable de briser l’unité chrétienne, de détruire « le cosmopolitisme de l’intérêt religieux », de perpétuer la scission au sein de l’indivisible Église : « c’est un gouvernement révolutionnaire qui se déclare permanent ». Essentiellement négatif et destructeur, il dessèche la foi en instituant un culte fanatique de la lettre biblique. Destitué de force plastique créatrice, figé dans une théologie aride, incapable d’enfanter une poésie vraiment vivante et féconde, il s’allie à l’ennemi irréconciliable de la religion, à l’esprit « philosophique », au « rationalisme » moderne. En France puis en Allemagne, « l’ère des lumières » déclare la guerre à la religion et frappe d’anathème tout ce qui est objet d’enthousiasme, l’imagination et le cœur, la moralité et le sens artistique. L’œuvre de dissolution inaugurée par Luther aboutit ainsi, en développant ses conséquences logiques à l’athéisme intégral du xviiie siècle et à l’anarchie sanglante de la Révolution française.

Sévère pour le protestantisme, Novalis n’est rien moins qu’un apologiste du catholicisme. Et l’on n’a pas le droit de le confondre avec le petit groupe des convertis romantiques qui, comme Frédéric