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LA JEUNESSE DE NOVALIS

d’amour bizarre, ridicule et pourtant douloureux. Dans sa vie comme dans ses idées il se montre encore tout à fait incapable de bon sens, de logique, de mesure.

Qu’est-ce qui pouvait attirer Hardenberg vers cet anarchiste de lettres décadent et un peu bohème et quel avantage a-t-il retiré d’une semblable amitié ?

Constatons d’abord que rien ne nous permet de supposer que Novalis ait été même temporairement gagné par le nihilisme intellectuel et moral de son ami. Il ne semble pas qu’il ait traversé une crise religieuse, ni que la foi chrétienne qu’il tenait de l’enseignement familial et de son éducation piétiste ait jamais vacillé en lui. Il a pu lui arriver de protester contre l’austérité un peu morose de la religiosité paternelle. Mais il n’a jamais été gagné ni par le scepticisme, ni par l’esprit de révolte. Dans ses premiers essais poétiques, qui datent de cette époque, on trouve çà et là des accents nettement chrétiens et d’une évidente sincérité. Relisez plutôt la pièce intitulée Contentement, où Novalis exhorte l’homme à « ne pas maudire cette vie du pèlerin terrestre ». Sans doute, conclut le poète, il y a des heures douloureuses dans la vie où le spectacle de la nature et du printemps, où l’amitié et la philosophie ne sauraient vous préserver contre l’assaut de la mélancolie : « C’est pourquoi réfugie-toi, ô homme, au-