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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

l’artisan, lui parle d’une fleur bleue dont la description éveille en son âme un désir infini. Il s’endort plein d’une ardente nostalgie et de pressentiments confus. Et pendant son sommeil, il a un songe qui reproduit avec plus d’intensité, d’ampleur et de précision le rêve surgi jadis dans l’imagination juvénile de son père. Après un défilé rapide et incohérent d’impressions confuses et tumultueuses, une grande paix se fait en lui. Il lui semble qu’il chemine dans une forêt profonde ; puis, à travers un étroit couloir percé dans le rocher, il parvient enfin dans une grotte merveilleuse éclairée par un jet d’eau puissant qui jaillit jusqu’à la voûte pour retomber en une poussière d’étincelles dans un bassin profond. Poussé par une irrésistible impulsion, il se dévêt, se plonge dans l’onde cristalline dont le contact l’emplit d’une volupté infinie : il semble que chaque vague vienne caresser sa poitrine comme un sein délicat. Entraîné par le torrent lumineux vers le cœur même de la montagne, il cède peu à peu à un mol engourdissement traversé de rêves d’une indicible douceur. Puis il se réveille au sein d’un paysage féérique, baigné d’une lumière surnaturelle, sur un gazon tendre, au bord d’une source jaillissante, près de rochers d’un bleu sombre, sous un ciel d’un azur profond. « Mais ce qui l’attirait avec une irrésistible puissance, c’était une Fleur d’un bleu lumineux qui se dressait, svelte,