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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

que, une exhortation à demander la main de la jeune fille qu’il aimait. Sans tarder il est rentré en Allemagne. Le vœu de son cœur a été exaucé. Et dès lors il a trouvé le bonheur dans l’amour de sa femme et dans l’accomplissement des humbles devoirs de la vie quotidienne. C’est un homme excellent qui mène une existence utile, saine et respectable. Mais le monde des réalités supérieures qui s’était entr’ouvert un instant pour lui, s’est à jamais refermé. Il est pris désormais sans retour dans l’illusion dualiste. Son sens droit, son intelligence claire, sa volonté active trouvent leur satisfaction en des tâches toutes pratiques. Il a désappris de rêver : les rêves énonce-t-il, ne sont que des bulles légères ; « Træume sind Schæume », comme dit le proverbe.

Dans la paisible demeure de l’artisan, cependant, grandit un fils, Henri. Son père a scrupuleusement respecté son individualité sans jamais chercher à l’influencer, sans la déformer par une éducation systématique. Il s’est développé en pleine liberté, selon la loi intime de son être. Et voici qu’en lui s’épanouit ce génie dont le germe s’était montré chez son père pour se flétrir aussitôt. Il se destinait aux études, il pensait devenir un savant, quand brusquement il a la révélation de la poésie. Un étranger mystérieux qui passait à Eisenach et avait reçu l’hospitalité sous le toit de