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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

Ce sont d’abord les récits de ses compagnons de route qui ouvrent à Henri quelques perspectives sur le monde idéal. Les marchands, gens prosaïques mais qui ont beaucoup voyagé et beaucoup appris au cours de leurs pérégrinations, lui font connaître la poésie sous sa forme la plus primitive : des légendes et paraboles datant de l’époque lointaine où le poète était encore « à la fois augure, prêtre, législateur et médecin ». Ils lui content le mythe d’Arion, qui exalte sous une forme allégorique le pouvoir miraculeux du chant, puis, l’apologue du roi de l’Atlantide et de sa fille, qui aboutit au triomphe de l’amour et de la poésie. Et leurs récits naïfs évoquent, devant l’imagination émerveillée du jeune homme, ces âges lointains et bénis où « la nature entière était plus vivante et plus pleine de sens qu’elle ne l’est aujourd’hui », où le pouvoir du génie ne se faisait pas sentir seulement sur les hommes mais s’étendait aussi sur les animaux et les choses inanimées.

Les hasards du voyage conduisent d’abord Ofterdingen et ses compagnons dans un château fort, où des chevaliers revenus de la croisade, racontent au jeune homme leurs exploits et suscitent en lui une sainte ardeur.

Par eux il a la révélation de la Guerre, ce conflit farouche des forces actives et créatrices de l’Univers. À travers les récits enflammés des