Page:Lichtenberger - Novalis, 1912.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
205
L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

croisés, il comprend soudain ce qu’est « la vraie guerre », la guerre de religion, celle où « le délire humain apparaît sous sa forme la plus parfaite » ; il a l’intuition vivante de ce que sont les hommes d’action par excellence, les Héros qui écrivent l’histoire avec la pointe de leurs épées, et « ne sont que des forces cosmiques pénétrées d’une poésie instinctive ». — Dans ce même château il fait aussi la rencontre d’une jeune captive sarrazine, Suleima qui lui conte ses malheurs et lui inspire une très tendre affection. En l’écoutant, il prend conscience du charme pénétrant et mystérieux de l’Orient romantique, cette terre enchantée, surgie comme une île bienheureuse au milieu des sables arides, où les hommes sont généreux, hospitaliers et tolérants, où la nature elle-même est plus humaine et comme pénétrée de raison. Et, devant cette révélation qui l’enchante, il se prend à rêver d’une réconciliation entre l’Orient et l’Occident. Le Saint-Sépulcre, lui explique Suleima, aurait pu, si les chrétiens n’avaient pas voulu, dans leur impatience, le conquérir de force, devenir le berceau d’une heureuse entente entre l’Europe et l’Asie, l’origine d’une alliance bienfaisante et éternelle entre les deux grandes civilisations de l’humanité.

Après avoir quitté le château des croisés, les voyageurs s’engagent dans une contrée abrupte et rocheuse. Là, dans une auberge de village, Ofter-