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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

le cours de notre destinée ? Loin d’être une illusion passagère et vide de sens, les rêves apparaissent au poète comme des révélations si capitales qu’on en vient à se demander si la vie elle-même ne serait pas l’accomplissement plus ou moins complet et réussi de quelque rêve fondamental !

Et si les rêves semblent avoir un sens profond, il en est de même aussi des pressentiments et des réminiscences. Pourquoi est-ce que Suleima reconnaît Henri d’Ofterdingen qu’elle n’a jamais vu ? N’est-il pas significatif qu’elle lui trouve une ressemblance étrange avec son propre frère qui a quitté jadis sa famille pour aller retrouver un poète illustre en Perse ! D’où lui vient, au départ d’Henri, cette certitude qu’ils se reverront un jour ? Pourquoi Henri a-t-il le sentiment d’avoir déjà entendu la chanson du mineur sur le mythe de l’Or. Par tous ces traits le poète veut attirer la pensée du lecteur sur ce vaste et mystérieux domaine du subconscient qui s’étend comme un gouffre obscur au-dessous des régions claires de la vie ordinaire.

Et voici que, soudain, la révélation de ce monde du mystère se fait plus précise et plus significative.

Dans la grotte où il rencontre le comte de Hohenzollern, Henri d’Ofterdingen remarque une collection de livres précieux écrits en caractères artistement tracés et ornés de riches enluminures.