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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

devant nous ne sont pas des êtres de chair et d’os. Ce sont des types vaporeux et flous, qui parlent tous le même langage en quelque sorte symbolique. Le poète ne nous transcrit pas ce que ces gens disent réellement, mais ce qu’ils pourraient dire s’ils étaient complètement conscients d’eux-mêmes, s’ils savaient traduire en mots la « musique » qui vibre en leur âme. Il nous semble que nous soyons en présence de créatures dont l’âme tout entière n’est que musique, se résout en états lyriques, et dont les paroles tendent seulement à suggérer d’une façon tout approximative, à l’aide du verbe, cet éther musical où ils flottent.

Et surtout : le poète fait naître en nous l’impression grandissante que tout cela n’est encore qu’un commencement, que ces figures si estompées déjà et si irréelles vont s’enfoncer toujours plus avant dans ce brouillard lumineux où elles se meuvent, que la réalité sensible va se dissoudre sans cesse davantage, va apparaître toujours plus comme le symbole imparfait d’une réalité idéale, cachée, ineffable, musicale en son essence, où le poète va essayer de nous faire pénétrer.

V

À la fin de la première partie, au moment où les fiançailles de Henri et de Mathilde viennent de se conclure, pendant la soirée paisible et joyeuse qui