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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

Et plus l’action avance, plus aussi se vérifie la valeur prophétique des rêves et pressentiments d’Ofterdingen. En Klingsohr il reconnaît aussitôt un des personnages dont il avait vu l’image associée à la sienne dans le livre de l’Ermite. En présence de Mathilde il retrouve aussitôt les impressions ressenties au moment de son rêve : il se souvient d’avoir vu sa figure au fond du calice de la Fleur bleue comme il l’a vue aussi dans le livre de l’Ermite.

Enfin un second rêve d’Ofterdingen nous laisse entrevoir les destinées qui l’attendent. Il voit en songe sa bien-aimée engloutie dans les remous d’un fleuve profond. Mais à l’angoisse infinie de la sépation, succèdent bientôt les délices du revoir. Il retrouve sa fiancée dans une région mystérieuse, au-dessous du fleuve où elle s’était noyée, et elle murmure à son oreille une parole ineffablement douce qui vibre à travers son être tout entier…

Ainsi la première partie du roman de Novalis laisse le lecteur sous une impression tout à fait étrange. Il nous semble que nous flottions entre le rêve et la réalité. Le monde réel se montre à nous très reconnaissable encore. C’est bien la vie allemande de la Thuringe ou de la Souabe, à l’époque des croisades, qui se déroule sous nos yeux. Mais cette réalité concrète nons la voyons comme à travers un brouillard qui estompe les contours et atténue les couleurs. Les personnages qui évoluent