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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

La froide nuit quittera ces lieux quand la Fable aura repris ses anciens droits. Dans le sein de Freya s’allumera le monde, et chaque désir trouvera sa satisfaction dans un autre désir ». Les signes sont favorables. Sur l’ordre d’Arcturus, le vieux héros qui garde Freya, le Fer, ou, plus exactement, l’Aimant magnétique, jette son épée à travers le monde. Pareille à une comète, elle vole dans les airs, se brise avec un son clair sur la chaîne des collines qui borde l’horizon et se répand sur l’univers en une pluie d’étincelles. Le monde saura désormais où est la paix. Guidé par l’aimant qui lui indique le Nord, il montera vers Freya.

Du Ciel nous descendons sur la Terre. Un paisible intérieur familial s’offre à nous. Le Père et la Mère symbolisent l’un le « sens » ou l’activité pratique, l’autre le cœur. Auprès des époux, deux enfants : dans un berceau sommeille Eros, c’est-à-dire l’amour, le rédempteur prédestiné de Freya ; près de lui s’ébat, agile et alerte, la petite Fable, en d’autres termes, la poésie. Sur le berceau veille la nourrice des deux enfants, la belle Ginnistan à l’écharpe bigarrée, la fille de la Lune, l’imagination ardente et folle, l’amante capricieuse du Père qui se distrait parfois entre ses bras des soucis du jour. Dans un coin de la chambre, travaille le Scribe, l’intelligence scientifique, le rationalisme utilitaire et calculateur, un maussade barbouilleur dont nul