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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

des Parques et de leur frère la Mort, où règne l’inexorable nécessité. Or le monde supérieur, l’empire d’Arcturus demeure, tant que dure le triomphe de son ennemi le Soleil, engourdi dans une immobilité glacée. Le palais avec ses murailles massives et ses riches colonnades, le jardin avec ses arbres métalliques, ses plantes de cristal, ses fleurs de pierres précieuses et son jet d’eau figé en un filet de glace, la ville endormie sur sa montagne escarpée, la mer dont le miroir solide reflète la cité morte, les montagnes lointaines qui ceignent l’Océan de leur couronne, — tout est rigide, muet, glacial. C’est le monde idéal des Possibles, c’est au point de vue astronomique, le monde des constellations, au point de vue moral, le domaine de la liberté et du hasard. Tant que subsiste l’illusion dualiste, ce monde supérieur est comme paralysé. Arcturus est supplanté dans le gouvernement de l’univers par le Soleil. Freya, sa fille, la déesse de la paix est, comme lui, captive de la glace, car là où règne le dualisme, la paix ne saurait régner.

Mais les temps sont proches où la vie va revenir dans la cité glacée. « Le bel Étranger ne tardera plus longtemps, chante un oiseau merveilleux dont les ailes se déploient derrière le trône du roi. La chaleur est proche, l’éternité commence. La reine va s’éveiller de son long rêve quand la terre et les mers se fondront dans l’embrasement de l’amour.