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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

des richesses que contient le trésor de son père. Mais l’imprudente Ginnistan, grisée par un coupable amour pour Éros, séduit et détourne celui qu’elle devait guider vers Freya. L’Amour est égaré par les caprices de l’imagination loin de l’objet de son désir. Eros cède à la passion sensuelle, oublie sa mission glorieuse, devient inconstant et frivole. Et la pauvre Ginnistan, délaissée bientôt par le Dieu volage et cruel, connaît toutes les tristesses de l’amante abandonnée et trahie.

Dans la maison du Père, sur ces entrefaites, une révolution se déchaîne. Le Scribe jugeant le moment favorable pour se libérer du joug qui pesait sur lui, s’empare du gouvernement de la maison. C’est la révolte de la raison orgueilleuse qui se met à tyranniser toutes les autres facultés de l’homme. La Mère est jetée aux fers, le Père est mis au pain et à l’eau. Sophie et la Fable s’enfuient.

La Fable, cependant, découvre un escalier secret qui la conduit dans le royaume souterrain, où la lumière et les ténèbres sont intervertis, où un astre noir jette des flots d’obscurité et où les ombres sont faites de clarté. C’est un chaos ténébreux où nulle vie ne germe, où s’épanouit seul l’Inanimé. C’est le royaume de la Fatalité où trône la Mort et où régnent ses sœurs les trois Parques. En vain ces mégères, d’accord avec le Scribe, essayent de tenir la petite Fable en captivité et de la faire périr. Elle