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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

échappe à leurs embûches, et, par une échelle, réussit à pénétrer dans le palais d’Arcturus.

Et tandis que la Fable, bravant ses ennemis, s’évade vers le monde supérieur, la Mère accomplit le sacrifice expiatoire qui seul peut apporter au monde la rédemption. Comme Jésus se laisse clouer sur la croix pour l’amour des hommes, la Mère monte sur le bûcher pour y périr dans les flammes. Le Cœur brûlant d’amour s’immole pour le salut de l’univers. Mais la flamme du bûcher s’alimente à la lumière usurpée du Soleil qui rougit de colère, puis se couvre de taches, pâlit de rage impuissante, et enfin se réduit à une scorie noire qui tombe dans l’Océan à la grande épouvante du Scribe. L’ennemi d’Arcturus, l’orgueilleux Soleil, l’astre qui marque la succession inflexible du jour et de la nuit, de la naissance et de la mort, s’effondre dans le néant. C’est la « mort du Soleil » prédite déjà par les Hymnes à la Nuit. Et la flamme du bûcher s’élevant lentement à travers les ténèbres, gagne les hauteurs dans la direction du Nord.

La Fable, alors, achève l’œuvre de salut que le sacrifice de la Mère, a rendu possible.

Par la toute-puissance de son chant, d’abord, elle console Ginnistan, guérit Eros de la folie mauvaise qui s’était emparée de lui et rallume en son cœur le saint amour pour sa fiancée prédestinée. La poésie, en d’autres termes, rétablit par son pou-