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CONCLUSION

saine une philosophie qui a sa racine dans un tempérament sain, robuste, amoureux de la vie et comme fausse ou tout au moins suspecte, une philosophie inspirée par la maladie, la dégénérescence physiologique, on inclinera à porter, comme on l’a souvent fait, sur le mysticisme de Novalis, un jugement sévère. Hegel déjà, qui discernait dans l’idéal romantique une contradiction immanente, un germe de dissolution fatale, tenait Novalis pour le cas typique du romantisme décadent. Il constatait en lui un besoin spéculatif assez fort pour éveiller en son âme un désir nostalgique, mais trop faible pour le mener à la clarté et au triomphe, une aspiration transcendentale, si fortement ancrée en son âme qu’elle agissait comme une sorte de consomption de l’esprit, et finit par pénétrer jusque dans son organisme physique même, marquant ainsi de son empreinte sa destinée entière. Tout comme Hegel, Heine estime que la muse de Hardenberg fut la maladie, que ses œuvres relèvent moins du critique que du médecin, que le « teint rosé dans les poésies de Novalis n’est pas la couleur de la santé, mais de la phtisie ». Il n’est guère douteux, en effet, que Novalis soit un décadent, un « dégénéré supérieur » pour employer une formule à la mode aujourd’hui. Son organisme débile de naissance, soumis de bonne heure à de mauvaises conditions hygiéniques, miné dès l’enfance par la tuberculose,