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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

M. de Rockenthien se révèle comme un rustre mal dégrossi et paillard, qui écrivait au frère de son futur gendre des lettres ordurières ornementées de dessins obscènes. Sa femme et ses belles-filles étaient dénuées de toute espèce de culture intellectuelle et cherchaient à se distraire au jour le jour, sans mêler à leurs amusements aucun intérêt supérieur. Sophie enfin, l’exquise petite Sophie, n’était qu’une oie blanche. Peut-être des dons rares et précieux sommeillaient-ils au fond de sa petite âme. Mais cette âme dormait encore d’un profond sommeil. À treize ans, Sophie avait bien le développement intellectuel d’une fillette de sept ans de nos jours. De la vie, elle ne voyait encore que le côté tout extérieur. Et il semble impossible qu’elle ait pu comprendre quoi que ce soit au sentiment exalté et raffiné tout à la fois que lui vouait Novalis. On a publié des fragments de son journal intime. Ils sont d’une puérilité qui ne fait même pas sourire. Voici, par exemple, ce qu’elle notait en janvier 1795, au moment où allaient se nouer ses fiançailles avec Hardenberg. « Du 3 : ce matin j’écrivis à mes tantes. Il n’y eut pas école parce que le comte était enroué… Du 7 : ce matin de bonne heure Hardenberg repartit à cheval et il ne se passa plus rien aujourd’hui. Du 8 : aujourd’hui nous fûmes de nouveau seules et il ne se passa rien. Du 9 : aujourd’hui nous étions encore seules et de nou-