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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

porte en lui. Il s’étonne que le « papillon » Fritz se soit décidé si vite à se fixer définitivement. Mais au reste est-il si fixé que cela ? Constatons, dans tous les cas, qu’il a l’esprit assez libre pour flirter avec une certaine Jette Goldacker, au point de faire jaser le public et d’éveiller la jalousie de Sophie. Entre temps, il insère dans son Journal intime, sous le titre de Clarisse, un portrait précis, fouillé, nullement idéalisé de sa fiancée. Et nous le voyons relater fidèlement des traits qui ne pouvaient pas lui être agréables et qui, même, rendaient problématique un mariage entre eux. Comment Hardenberg, pour qui la poésie était l’élément vital en quelque sorte, n’aurait-il pas été péniblement affecté de voir que sa fiancée « faisait peu de cas de la poésie » ! Ailleurs il note : « Sa peur du mariage » — « Son tempérament s’est-il éveillé ? » — « Elle ne veut pas se laisser gêner par mon amour. Mon amour lui est souvent importun. Elle est toujours froide ». Et son grand amour ne l’empêche pas de voir bien des petits détails qui ne paraissent pas lui plaire : « Son insolence envers son père », — « sa tête quand on dit des inconvenances ». — « elle fume le tabac », — « son souci de l’opinion », — « sa passion pour ce qui est convenable ». — En novembre 1795, ce fiancé clairvoyant met son frère Erasme en garde contre les mirages : il lui recommande de ne pas se faire « une idée fixe de Grüningen » et l’assure que