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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

décembre elle rentre, toujours malade, à Grüningen. Peu à peu s’installe, chez ceux qui l’entourent, l’appréhension toujours plus angoissante d’un dénouement fatal.

Elle leur apparaît alors sous un jour nouveau. La souffrance, l’approche lente de la mort, affine, spiritualise, mûrit rapidement la pauvre enfant. Il émane d’elle maintenant je ne sais quel charme mystérieux que subissent tous ceux qui l’approchent. Les frères de Hardenberg, Charles et Erasme éprouvent à leur première visite, la magie de Grüningen et rêvent de trouver à l’exemple de Novalis, une compagne parmi les sœurs de Sophie, Le vieux baron de Hardenberg qui avait vu avec une médiocre satisfaction son aîné s’éprendre d’une fille pauvre et de petite noblesse, est séduit dès qu’il voit Sophie à Iéna : il l’invite à venir chez lui et la chérit à l’égal de ses propres enfants. Il n’est pas jusqu’à Goethe lui-même, le Dieu de Weimar, qui ne se soit intéressé à elle, et ne lui ait rendu visite dans sa chambre de malade d’Iéna. Nul doute que cette fillette marquée déjà du sceau de la mort et qui supportait si vaillamment les tortures du mal qui la rongeait, n’ait donné à ce moment l’impression d’une créature sortant de l’ordinaire. Et si des hommes mûrs et rassis n’échappaient pas à cette suggestion, combien, à plus forte raison, le fiancé de Sophie n’a-t-il pas dû se sentir ému jusqu’au plus profond de son être. Dans l’ima¬