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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

Mme Just huit jours après la mort de Sophie, il me faut oublier toute mon existence passée. J’aimais tant cette terre et je me réjouissais des scènes de bonheur qui m’attendaient !… Renoncer à tout cela est, certes, bien dur. Mais ne trouverai-je pas un dédommagement dans l’essor vers la vie invisible, dans un pieux effort pour me rapprocher de Dieu, de ce que l’humanité connaît de plus sublime ? » Et le lendemain il confirme cette résolution dans un billet adressé à son ami Just : « Si j’ai jusqu’à présent vécu dans le présent et dans l’espoir du bonheur terrestre, il me faut, maintenant, vivre tout entier dans l’avenir, dans la foi en Dieu et en l’Eternité. Il me sera très dur de me séparer tout à fait de ce monde que j’étudiais avec tant d’amour, les rechutes amèneront sans aucun doute plus d’un moment pénible. Mais je sais qu’il est en l’homme une force qui, cultivée avec soin, peut s’épanouir en une miraculeuse énergie. » Dans une lettre à Frédéric Schlegel, il constate de même que la mort de Sophie a été « un hasard divin, une clé qui ouvre tout, une étape miraculeusement nécessaire ». Une énergie simple et puissante est née à la conscience en lui. « Mon amour est devenu une flamme qui consume peu à peu toute impureté terrestre ». Dès les premiers instants de son deuil, Hardenberg voit dans cette épreuve un moyen pour l’amener à un degré supérieur de son développement. Il date