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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

sa « vie nouvelle », sa « vrai vie », de la mort de Sophie.

Et sa douleur, dès lors, s’empreint de la plus touchante sérénité. Nulle amertume, nulle révolte dans son renoncement au monde. « Le soir s’est fait autour de moi pendant que je regardais se lever l’aurore de ma vie, écrit-il à une amie. Ma douleur est sans bornes comme mon amour. Pendant trois ans Sophie a été ma pensée de chaque heure. Elle seule m’a attaché à la vie, à cette contrée, à mes occupations. Séparé d’elle je suis séparé de tout cela, je ne me possède plus moi-même. Le soir s’est fait, et je crois bien que je m’en irai de bonne heure ; je voudrais bien, alors, avoir beaucoup de calme autour de moi, et beaucoup de visages amis — et je voudrais vivre selon son esprit, avec cette douceur et cette bonté qu’elle avait ». À une autre amie : « Les ténèbres et la solitude se sont faites de bonne heure autour de moi. Aidez donc au solitaire, à l’affligé, à passer les heures qui le séparent encore de lui-même, de la paix éternelle. Vous n’imaginez pas combien je me sens déjà glacé par la mort — mais je suis d’ordinaire paisible, je m’intéresse à tout et suis en état de faire tout mon travail. Encore quelques tâches à terminer — et qu’ensuite la flamme de l’amour et de la douleur s’avive, afin que mon âme débordante d’amour aille rejoindre l’ombre aimée. » Ce revoir impatiemment attendu il le