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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

ment par un effort de sa volonté. Il ne se retire pas du monde, il ne fuit pas les distractions, il n’évite pas ses amis, il se prête à la société. Comme ces « hommes hauts », dont Jean Paul a décrit le type dans la Loge invisible ou dans Hespérus, qui, conscients de l’irréductible antinomie entre le réel et l’idéal, aspirent à la mort et ont les yeux fixés par delà les nuages, — comme ces mystiques dont parlait Hippel, qui pratiquent systématiquement la « désincarnation » et tendent à affranchir l’âme « désorganisée » de l’organe corporel, à l’introduire dans un univers purement spirituel, à la mettre en communication avec les Esprits, Novalis veut devenir de plus en plus étranger à la terre. Il veut concentrer toutes ses pensées sur sa fiancée morte. L’engagement qui les liait n’était pas pour cette vie. Il sera donc pour l’autre vie. Ainsi à force de songer à celle qui n’est plus, il finira peu à peu par mourir, simplement parce qu’il l’aura voulu. Et sa mort ne sera ni une fuite ni une désertion, mais un sacrifice conscient, un acte éclatant de fidélité par delà le tombeau, le témoignage de ses convictions les plus hautes.

IV

La grande expérience de sa vie sentimentale et religieuse n’a pas seulement inspiré à Hardenberg