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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

d’admirables confessions dans ses lettres ou dans son journal. Elle lui a fourni aussi la matière de ses chants lyriques les plus beaux. Les Hymnes à la nuit où il a cherché à revêtir de la forme poétique les impressions que laissait en lui la mort de sa fiancée sont un des plus admirables poèmes mystiques que nous possédions.

Pour exprimer cette union parfaite de l’âme avec Dieu, cette absorption du moi au sein de l’Être un et absolu où tend le mystique, force est, pour le philosophe comme pour le poète, de recourir à des images. L’expérience mystique, la « vision de Dieu », est quelque chose d’ineffable, d’incommunicable. Tout ce que les pieux visionnaires peuvent tenter, c’est de suggérer à l’aide de symboles une réalité que la parole humaine est impuissante à dire. Or le trope dont ils ont de tout temps le plus fréquemment usé pour décrire le degré le plus élevé de la vie en Dieu, c’est, comme chacun sait, celui des fiançailles ou du mariage. De très bonne heure le Cantique des Cantiques a été interprété allégoriquement comme l’union de l’âme ou de la communauté des fidèles avec son fiancé, le Dieu-Messie. Et toute la littérature chrétienne, depuis Saint-Bernard, jusqu’à Mathilde de Magdebourg, ou Angelus Silesius a dès lors célébré le mariage de Dieu et de l’âme, les fiançailles de l’âme et du Christ. La vie en Dieu est ainsi considérée comme une vie d’a-