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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

mande, pour se continuer chez Luther ou chez Jacob Bœhme, — initié par la lecture de Plotin au mysticisme néo-platonicien, familier avec le panthéisme de Spinoza et avec l’idéalisme de Fichte dont il perçoit les affinités profondes avec le mysticisme chrétien, — Novalis a trouvé dans les Hymnes à la Nuit, des accents vraiment originaux et profonds, pour dire ses intuitions religieuses, pour chanter l’aspiration nostalgique qui l’entraîne loin du monde terrestre et des réalités visibles, vers ce monde spirituel invisible et mystérieux où l’a précédé sa bien-aimée et où il tend, de toutes les forces de son âme, à la retrouver. Il a été ainsi, comme l’écrivait son ami Schlegel, « peut-être le premier homme de son époque qui ait su sentir la mort en artiste ».

Les Hymnes à la Nuit s’ouvrent par un prologue cosmogonique d’une incomparable grandeur. Aux splendeurs tout extérieures du royaume du Jour, Novalis oppose en une invocation lyrique aux résonnances étranges et troublantes, les mystères ineffables et solennels de la Nuit.

Le poète n’a point de haine ni de dédain pour le monde des apparences, pour l’univers tel qu’il se manifeste à notre vue terrestre et à notre petite raison. Il n’a garde de jeter l’anathème sur cet univers soumis à la loi du temps et de la multiplicité, où l’esprit apparaît comme radicalement distinct de