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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

de l’Unité absolue. La Nuit est éternelle, intemporelle, tandis que le Jour est soumis au temps, limité. Elle est le Néant divin, l’insondable abîme d’où est sorti le monde des créatures et où il retournera. Car de même que le Jour a commencé, il finira. L’instant viendra où saisi de cette « divine langueur » que connaissent aujourd’hui déjà quelques âmes d’élite dont les regards ont pénétré le saint mystère de la Nuit, le Jour expirera, englouti dans les ténèbres éternelles. Le Soleil s’éteindra et son règne dont la loi est le devenir, la douloureuse alternance de la vie et de la mort, sera terminé. Le Temps s’arrêtera et ce sera le triomphe définitif de la Nuit, le règne de l’Éternité. — Cet Empire mystique de la Nuit c’est aussi le royaume de l’Amour. L’Amour, proclame Novalis, est le Soleil de la Nuit ; il est dans le royaume de félicité le centre autour duquel tout gravite, comme le Soleil dans le royaume du Jour. Celui qui s’enfonce dans ses mystiques ténèbres connaît l’ineffable volupté d’une nuit d’amour sans fin, goûte la vie bienheureuse. — Enfin le royaume de la Nuit est l’Empire de la poésie. Dans le monde des phénomènes règne la dure nécessité, la destinée inexorable, la Science abstraite et rigoureuse. Dans le royaume de la Nuit, l’antique Fatum est détrôné. Dans le Conte qui termine le roman d’Ofterdingen et qui retrace, au dénouement, l’avènement de l’Empire de la Nuit et l’anéantisse-