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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

momentanément de l’existence ordinaire. Et cela non point du tout en vertu d’un miracle extérieur, par une révélation ou par une vision surnaturelle, mais par une extase purement spirituelle. « C’est seulement en vertu d’un préjugé dénué de tout fondement, dit Novalis dans un de ses fragments, que l’on dénie à l’homme le pouvoir de sortir de lui-même, d’être en pleine conscience au delà des sens. L’homme est en état, à tout instant, d’être une essence supra sensible. Sans cette faculté il ne serait pas un citoyen de l’univers, mais un animal ». Il est, continue Novalis, malaisé de saisir par la réflexion ces états psychiques, de prendre conscience de leur contenu. Mais sitôt que nous y parvenons, ils s’imposent à nous avec une force irrésistible et nous sentons grandir en nous la foi en des révélations authentiques et directes de l’Esprit : « Ce n’est ni un voir, ni un entendre, ni un sentir, — c’est un composé de ces trois choses à la fois — quelque chose de plus que les trois réunis — une impression de certitude immédiate, une intuition de notre vie la plus vraie et la plus intime, — les pensées prennent la valeur d’impératifs, les désirs se muent en réalités. »

C’est par l’extase que, après la mort de Sophie, Novalis cherche à se rapprocher de celle qui n’est plus. Son journal nous montre comment, par la concentration volontaire de sa pensée sur sa fian-