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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

le principe par lequel l’homme peut s’élever à la béatitude. « L’amour est supérieur à la raison et il est lui même la source de la raison et la racine de toute réalité et le seul créateur de la vie et du temps ».

Elle apparaît chez Schopenhauer qui a su exprimer avec tant de profondeur, l’aspiration du sage à l’anéantissement du vouloir vivre égoïste et malfaisant, son effort pour percer à jour le voile trompeur de Maïa, pour s’évader du monde illusoire des apparences sensibles, pour dissiper le mirage décevant de l’individuation par qui la volonté, une dans son essence, apparaît fractionnée en innombrables individus, — qui a décrit en une page célèbre l’élan vers le nirvâna des grands ascètes parvenus à la négation complète de la volonté, à l’illumination, à l’extase : « Ils n’attendent plus qu’une chose, c’est de voir la dernière trace de cette volonté s’anéantir avec le corps même qu’elle anime. Alors, au lieu de l’impulsion et de l’évolution sans fin, au lieu du passage du désir à la crainte, de la joie à la douleur, au lieu de l’espérance jamais assouvie, jamais éteinte, qui transforme la vie de l’homme tant que la volonté l’anime, en un véritable songe, nous apercevons cette paix plus précieuse que tous les biens de la raison, cet océan de quiétude, ce repos profond de l’Âme, cette sérénité inébranlable, dont Raphaël et