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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

l’unité derrière la multiplicité, vers l’absolu derrière le relatif, vers les réalités suprêmes derrière le miroir décevant des illusions, vers la bienheureuse inconscience de la vie en Dieu après les douloureuses agitations de l’existence terrestre, vers les extases de l’amour et de la mort après les vaines spéculations de la volonté égoïste et de l’intelligence calculatrice, Novalis se révèle aussitôt comme un mystique chrétien. Il est bien, en effet, l’héritier authentique de cette longue lignée de mystiques qui ont rêvé l’union de l’âme avec Dieu, la vision béatifique de Dieu et qui se sont représentés cette union soit comme l’élan passionné de l’âme vers son fiancé éternel, soit comme la mort de l’âme au sein de la Divinité, de l’Essence une et absolue. Et, d’autre part, l’inspiration mystique des Hymnes à la nuit se retrouve à la même époque que lui ou après lui chez une longue série de penseurs ou de poètes qui ont connu la même nostalgie.

Elle apparaît chez Fichte, par exemple qui, dans son Enseignement de la Vie bienheureuse, présente la religion comme le couronnement du Système de la science, montre que son essence même est l’abolition de la distinction entre l’Être et le Savoir, entre l’Absolu et la Conscience de soi, entre le Divin et l’Humain, l’absorption de la Conscience de soi dans l’Unité éternelle et immuable, et fait voir dans l’Amour le foyer central de la vie humaine,