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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

tonalité très particulière et qui n’appartient qu’à lui. On n’y trouve ni l’âpreté pessimiste de Schopenhauer, ni le frémissement de passion déchaînée que l’on perçoit chez Wagner. Novalis ne jette point l’anathème sur le Vouloir-vivre ; il ne maudit pas l’illusion qui nous enserre de toute part ; il n’a point de révolte contre la souffrance. Il y a chez lui un optimisme ingénu, confiant, qui persiste devant le deuil, devant la maladie, devant la mort même. Au lendemain de la mort de sa fiancée, il voit dans cette épreuve un évènement providentiel, une étape nécessaire de sa vie spirituelle. Il écrit à une amie, a que l’idée de Dieu lui devient toujours plus chère ». La maladie et la souffrance lui apparaissent comme les titres de noblesse de l’humanité, comme un moyen de perfectionnement intellectuel et religieux. « La maladie, écrira-t-il dans ses fragments, doit être comptée parmi les plaisirs de l’homme comme aussi la mort ». Car la mort loin d’être une brutale destruction, est à ses yeux le principe qui « romantise » la vie. C’est par elle que l’être fini se dépasse lui-même et tend vers des modes d’existence toujours plus élevés. Que signifie au juste, chez Novalis, cet optimisme que rien n’abat, cette disposition qui lui permet d’accueillir sans horreur la souffrance et la mort ? Cette sérénité dans l’acceptation de la douleur, est-elle simplement un effet de la résignation chrétienne ? Ou s’y mêle-t-il je ne