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TANNHÄUSER ET LE VAISSEAU-FANTÔME 103

travaillant à son œuvre avec une ardeur fébrile chaque fois que ses occupations multipleS de chef d'orchestre lui laissaient quelque loisir. Le 13 avril 1845, la partition était terminée. L'enthousiasme qu'il ressentait pour son drame était tel que, plus il approchait de la fin, plus il craignait qu'une mort subite ne lui ravît la gloire d'achever son œuvre et, quand il eut écrit la dernière note, il se sentit, dit-il, aussi heureux que s'il avait échappé à un danger mortel (i). En composant Tannhäuser, Wagner avait fait un nouveau pas décisif en avant. Sans doute, il y a entre ce drame et le Vaisseau-fantôme des analogies évidentes. Dans l'une et l'autre pièce, le décor est romantique : les mystères du Venusberg et les enchantements du Vaisseau maudit se font pendant; Wagner intitula même d'abord son œuvre : « Le Venusberg, opéra romantique ». De plus, les deux drames traitent le même motif fondamental : la rédemption d'un pécheur par l'amour d'une vierge. On trouve même dans les deux pièces, à côté des protagonistes, le rôle secondaire d'un amant malheureux de l'héroïne : Erik d'une part, Wolfram de l'autre. II n'en est pas moins certain que Tannhäuser est une œuvre d'une plus haute portée que le Vaisseau-fantôme. Les personnages y sont plus vivants et mieux caractérisés, l'action extérieure plus pittoresque, plus riche en événements, plus intéressante au point de vue dramatique. Enfin — et c'est là surtout que se montre la supériorité du nouveau drame de Wagner — l'action intérieure, encore flottante

(1) Ges. Schi IV, 279, 28 't. — Le Tannhàuser do ISi'j subit encore deux remaniements importants avant de prendre la forme actuelle. En IS'ù, Wagner modifia le dénouement, qui ne comportait primitivement ni l'apparition de Venus ni l'arrivée sur la scène du cercueil d'Elisabeth. — En 1861, nouveau remaniement fait en vue des représentations de l'Opera de Paris et portant sur la bacchanale et la scène du 1° acte entre Venus et Tannhäuser, sur le discours adresse par le landgrave aux chanteurs, sur le concours des chanteurs, abrégé et resserré en vue de l'intensité dramatique, et sur le prélude du 3° acte. (A. Ernst et Poirée, Étude sur Tannhäuser, 1895.)