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LE CARACTÈRE DE TANNHÄUSER

mais cessé d'aimer. Mais, pour être efficace, son sacrifice doit être complet. Quand les premiers pèlerins rentrent de Rome, purifiés par l'absolution du pape et chantant des actions de grâce, elle a la douleur de voir que Tannhäuser ne se trouve point parmi eux. Elle adresse alors à la vierge Marie une suprême prière : « sainte Vierge, écoute ma prière... ô prends-moi loin de cette terre... prends-moi dans ta grâce, fais que, pure jeune fille, je puisse t'approcher en toute humilité afin d'implorer ta miséricorde infinie pour le péché de celui que j'aimais (1).» Elisabeth mourra sans savoir si sa prière a été exaucée, si Tannhâuser est sauvé. Et pour Tannhâuser aussi, il n'est de paix que dans le renoncement absolu, dans la mort. En vain il se rend à Rome le cœur gonflé du plus sincère repentir ; le pape refuse de l'absoudre: « Si tu as goûté à la volupté maudite, si lu as brûlé du feu de l'enfer, si tu as vu le Venusberg : à jamais soit maudit! De même que ce bâton dans ma main ne se couvrira plus jamais de verts rameaux, de même jamais la fleur du salut ne s'épanouira en ton âme dévorée des flammes de l'enfer (2). «Repoussé parle vicaire de Dieu sur la terre, Tannhâuser désespéré veut rentrer au Venusberg pour y trouver l'oubli dans la morne volupté. Déjà Vénus, à son appel ardent, accourt, dans un nuage rosé, ouvrant ses bras à l'amant qui l'avait quittée. Mais Wolfram le retient : « Un ange pour toi a prié sur la terre; bientôt il planera au-dessus de ton front en te bénissant — Ehsabeth! (3) » Et de la Warlbourg descend, éclairé par l'aurore qui monte au ciel, le cortège funèbre ramenant dans un cercueil ouvert le cadavre

(1) Ges. Schr. II, 32. (2) Ibid., 36. (3) Ibid., 38.