Page:Linstant de Pradine - Nos fils, ou de la Néotocratie en Haïti.djvu/4

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— II —

porter, et vous êtes obligés de vous faire hisser sur votre cheval. Ingrats, dites-vous ? ingrats vous-mêmes ; car nous pourrions, à l’instar des Peaux-Rouges, vous assommer comme inutiles et enccombrants à la communauté ; arrière, et laissez-nous prendre notre place au soleil. Et la révolution de 1843 se fit. Les révolutionnaires, dans leur enthousiasme, à côté de l’ère de l’indépendance, inscrivirent sur les drapeaux de la République, l'an 1er — et unique, hélas ! — de la régénération d’Haïti.

Mais on ne gouverne pas vingt-cinq ans un pays sans s’y être créé une clientèle, des disciples, des séides, sans y avoir fait école. La gérontocratie, un instant écartée du pouvoir, y rentra suivie du ban et de l'arrière-ban de ses adeptes, et commença, à son tour contre ses adversaires, une guerre d’extermination où elle mit en usage tout ce que sa vieille expérience lui suggéra de ruse, d’astuce, d’irascibilité. La jeunesse imprudente et généreuse accepta la lutte à poitrine découverte ; elle y perdit ses plus braves et ses plus nobles représentants. La voie était tracée. Tous les chefs qui depuis se sont succédé au pouvoir, n’y sont parvenus — à l’exception de Soulouque — qu’à l’aide de coups de main, toujours facilement exécutés, grâce au concours du peuple, alléché par les promesses de bien-être et de régénération consignées dans de verbeux manifestes et des programmes menteurs. Aussi l’histoire de la République d’Haïti, depuis 1843, est-elle curieuse à étudier