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— III —

au point de vue ethnologique, philosophique et moral. Nous n’avons pas l’intention d’entreprendre cette tâche laborieuse. Mais le doigt sur le pouls de ce petit État d’à peine 600,000 habitants, la philanthropie, presque découragée, se demande avec inquiétude s’il conservera encore longtemps son autonomie à ce régime de guerre civile auquel il se livre avec un si effrayant entrain.

Nous croyons notre jeune patrie douée d’assez de vitalité pour surmonter toutes les difficultés qui entravent son développement normal, et détruire les germes délétères qui se sont introduits dans son sein. Qu’on avise au plus tôt ; que chacun s’arme d’une foi nouvelle, car la morale publique — par suite la morale privée — se pervertit ; le bien, le mal, le juste, l’injuste se confondent. Les ambitions les plus malsaines se montrent au grand jour, avec une effronterie qui stupéfie et déroute les plus vieilles sociétés de l’Europe. Les mots de la langue dont on se sert sont détournés de leur acception vraie et usuelle : un fripon, un escroc, n’est plus qu’un malin ; un délateur, un traître, qu’un bon patriote ; et des règles même les plus élémentaires de l’arithmétique administrative on ne pratique que la soustraction. Ce langage, je le sais, paraîtra un peu sévère; il ne sera pas du goût de ceux que la vérité effraye. D’aucuns même en saisiront avec empressement l’occasion pour débiter leurs tartines humanitaires et déclarer dans leur jargon patriotique que je dénigre le pays où je suis né, et qu’ils ne savent pas comment mon assertion y