Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/41

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— Vous êtes bien, là dedans ?

— Oui, mon lieutenant, au chaud, comme des petits lapins.

— Vous n’avez rien à demander ?

— À partir !

— À partir !… À partir !

Ce matin, Pelletier, le trompette, un Parisien qui sait un peu tout faire, procède à l’affilage des sabres de la pièce. Devant un établi, en bras de chemise, il manie une énorme lime avec un bruit horrible qui fait passer le frisson dans le dos et donne la chair de poule. Il s’interrompt parfois, et à grands coups, comme un furieux, pour vérifier les pointes et les tranchants, il découpe des caisses de bois blanc abandonnées là, dans un coin.

Au fond de ce cantonnement, où nous vivons au milieu des fables les plus insensées, attendant un ordre d’embarquer, alentour, dans les rues, sur la ligne de Paris à Brest, toute proche, la mobilisation générale semble un grand roulement de tonnerre ininterrompu dans une atmosphère saturée d’électricité.

Un de mes compatriotes, Gaget, secrétaire à l’état-major d’artillerie, me dit que la guerre n’est pas encore déclarée. Il est bien placé pour être renseigné. Sa mère lui a écrit de Mayenne que ma famille me croyait déjà à Verdun. Mes lettres n’arrivent donc pas ?