Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/48

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C’est presque dans le silence que le capitaine commande d’une voix claire, vibrante et riche :

— En avant !

De la foule, en écho, monte un grand hourrah, un hourrah où éclatent, très distincts, deux sanglots déchirants.

Jamais jour d’août ne fut plus lumineux. Les galeries des avant-trains, les roues des pièces, les boucles et les crochets des harnais, les gueules même des canons sont enrubannés et fleuris. Les couleurs vives des rubans et des fleurs se mêlent, se fondent en une harmonie de clarté sur la peinture gris-fer de nos pièces.

Le capitaine, M. Bernard de Brisoult, nous a dit ce matin :

— Prenez les fleurs qu’on vous offre et ornez-en vos pièces. C’est le précieux souvenir de celles qui restent. Mais soyez calmes, car c’est ainsi que vous leur donnerez le plus de confiance quand elles vont vous voir partir.

Les rues sont pavoisées. Nous défilons au pas. Vraiment le départ de ces hommes, d’entre lesquels beaucoup ne reviendront pas, est admirable de sérénité. Les canonniers sourient, immobiles sur les coffres ou abandonnés au pas des chevaux. Les femmes sur notre passage ont des gestes tragiques d’adieu. Nous sommes émus, mais c’est plutôt l’émotion de ce peuple, tout entier