Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/49

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dans la rue, qui nous gagne, qu’une angoisse venue de nous-mêmes.


L’embarquement aux docks est facile, à quai. Les servants hissent le matériel sur les trucks. Il fait chaud ; ils ont mis bas leurs vestes, et, rouges, les épaules aux roues des pièces, ils coordonnent leurs efforts au commandement : « Oh ! ferme ! » des chefs de pièce, qui, monotone, se répète en écho interminable tout le long du train. Les conducteurs ont beaucoup de peine à faire entrer les chevaux dans les fourgons. Les vieux chevaux de batterie connaissent la manœuvre, mais les chevaux de réquisition résistent. À deux, on leur passe un surfaix à hauteur des fesses et on les pousse de force sur les passerelles. Une fois dans le fourgon, il faut encore les faire tourner, les serrer pour qu’il en tienne quatre de chaque côté. C’est alors un vacarme infernal de sabots ferrés sur les planches et contre les parois de bois. Les bêtes enfin installées et maintenues en place avec des cordes à poitrail, les garde-écurie établissent, dans l’espace libre entre les deux rangées de chevaux qui se font face, le harnachement et le fourrage pour la route.

Lorsque le train démarre, j’ai comme un éblouissement. Il me semble que quelque chose se rompt dans ma poitrine. Une brève angoisse