Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Où est l’ennemi ? Que valent ces positions et d’où peut-on les découvrir ? L’infanterie, en avant, nous protège-t-elle ? Nous sommes fiévreux, émus. Dans un pré, au bord des avoines, nous établissons nos pièces. Les avant-trains vont se cacher dans les bois. Sans tarder, Bréjard nous fait compléter, avec des mottes de terre soulevées à coups de pioche, la protection qu’offre aux servants le matériel blindé.

Pour horizon, nous n’avons que des avoines immobiles, d’immenses moissons de métal chaud, et un ciel d’un bleu uniforme d’été. Le pointeur ne trouve ni un arbre, ni une gerbe pour repérer le canon. Il faut aller planter une bêche en avant de la pièce. Je ne soupçonnerais pas quelles forces d’artillerie attendent l’ennemi dans ce champ — plus de soixante pièces — si je n’avais pas vu les batteries prendre position. Sauf les échelles-observatoires où l’on aperçoit, comme de gros insectes noirs au bout d’une herbe, les capitaines qui surveillent la campagne du nord-est, on ne voit rien.

Le tir est préparé. Couchés derrière nos pièces, nous attendons. Aucun bruit de bataille ne nous arrive. Un officier d’ordonnance apporte des ordres au commandant. Du bras, en agitant largement son képi, le capitaine donne l’ordre d’amener les avant-trains.

— Quoi ?