Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/79

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l’ont saigné comme on saigne un porc. Un paysan, qui a vu cela par-dessus une haie, tout hagard encore, nous décrit ce crime immonde.


Nos chevaux se sont couchés cette nuit dans la boue et le crottin. Ils ont de larges emplâtres de fumier aux fesses, aux flancs, au ventre, aussi sales que des vaches mal entretenues. La glaise agglutine les crins des queues et les crinières. Quant à nous, traînant aux talons des paquets d’herbe et de terre, crottés jusqu’aux genoux, nous apparaissons plus massifs encore qu’à l’ordinaire sous nos manteaux sombres, détrempés et qui pendent en plis lourds et raides de nos épaules.

Nous allons cantonner à Moirey. D’Azannes à Moirey, il n’y a pas plus d’une lieue de chemin, mais la route est encombrée de fourgons. À chaque instant il faut s’arrêter, se ranger.

Le capitaine commande :

— Pied à terre ! Canonniers, descendez.

Les hommes, que la diarrhée torture, en profitent pour s’éparpiller sur les champs.

À Moirey, sous d’autres pruniers en quinconce, nous sommes aussi mal cantonnés qu’à Azannes. Tout de suite, sous les pieds des chevaux, l’herbe se transforme en boue.

Il faut commencer par couvrir de terre les immondices que d’autres troupes ont laissées ici.