Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/80

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La question des cabinets est toujours grave. On ouvre bien, aux abords des cantonnements, des sortes de petites tranchées appelées « feuillées ». Mais beaucoup d’hommes s’entêtent à ne pas s’en servir. Ils préfèrent se poser ici ou là, au risque de se faire chasser à coups de fouet par ceux que leurs saletés gênent. C’est toute une police qu’il faut faire autour des pièces et près des chevaux. Nos officiers ont beau menacer de punitions sévères les hommes qui seront pris faisant leurs ordures hors des feuillées. Rien n’y fait. Et le commandant répète :

— Quelle bande de salauds !

Ce soir, le canon tonne tout près. Peut-être allons-nous nous battre enfin.

Nous avons beaucoup de peine à trouver du bois. Il est mouillé et fait en brûlant une grande fumée âcre que le vent rabat sur nous. Il faut aller chercher l’eau pour la soupe à plus de trois cents mètres, et la disputer aux chevaux. Le pain qu’on vient de nous distribuer est moisi ; on est obligé de le griller pour lui ôter son goût rance.

À l’heure de l’abreuvoir, l’unique rue du village est pleine de chevaux tenus en main ou montés à poil. Six batteries sont cantonnées autour de Moirey et il n’y a ici qu’une seule auge où tombe d’une fontaine un filet d’eau claire, gros au plus comme deux doigts. Tous les vingt pas on s’arrête,