Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/83

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— Jéricho, qu’est-ce que tu en dis ?… As-tu rêvé de juments boches ?

Bréjard fait remarquer à Astruc que Jéricho est hongre.

— Oh ! dit-il, il doit bien avoir quelquefois des idées de revenez-y.

Mais Jéricho, aujourd’hui, est de mauvaise humeur. Il ne veut pas qu’on le bride pour aller à l’abreuvoir.

— Hein, vieux ! Je vois ce qui te manque, lui dit Astruc… t’as pas eu ta chique, ce matin… C’est ta chique que tu veux.

Il tend au cheval, dans le creux de sa main, une pincée de tabac que l’animal avale gloutonnement. Lorsque Astruc est à cheval sur son porteur Hermine, Jéricho lui happe le bout du pied. Plus Astruc frappe, plus Jéricho serre.

— Attention, dit Astruc, quand je vas lâcher Jéricho dans la mêlée, sûr qu’il bouffe des Boches autant comme il en tue. Si seulement on en avait un cent comme ça…

Et il ajoute en regardant son cheval en face :

— C’est rigolo, ce bourrin-là, il a des yeux canailles de petite femme !

Devant notre cantonnement défilent des pontonniers, leurs longs bateaux de tôle chargés sur des chariots, la quille en l’air. Des chevaux fourbus, qu’on a attachés derrière les voitures, suivent la