Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/88

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à rude allure de forteresse, où le chemin que nous suivons serpente en corniche. À droite, faisant contraste avec le cours intime et frais de la petite rivière, une large vallée aux pentes symétriques, éclairée de récoltes jaunes en taches, s’ouvre toute grande, sans mystère, baignée de soleil. Une rivière y court dans les prés. On l’aperçoit à peine : mais on découvre des routes, des villages, une ligne de chemin de fer, Vélosnes sur une rive, sur l’autre Torgny, qui étalent, sur les champs, leurs murs blancs et leurs toits rouges.

Rien ici n’annonce la guerre. Le canon très loin n’est pas plus effrayant qu’un roulement de voitures. Il fait une belle journée à laquelle la brume, qui amollit les lignes, donne encore plus de charme. L’étroit chemin en S que nous suivons plonge dans la vallée. Les chevaux font effort pour retenir les canons, et surtout les caissons, qui les entraînent sur la pente. Leurs sabots hésitent sur les pierres roulantes. Arqués dans leur effort, ils avancent avec précaution.

La rivière fait la frontière franco-belge. Un douanier est adossé au parapet du pont.

Quelqu’un lui crie :

— Ni linge fin, ni dentelle pour aujourd’hui, mon vieux :

On demande :

— La mélinite, ça ne paie pas ?