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Page:Lintilhac - Lesage, 1893.djvu/187

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LESAGE.

plus de la manie prédicante dont La Chaussée et Diderot allaient abuser sur la scène, comme Marivaux, Richardson et Rousseau dans le roman, si bien que Gilbert s’écriera amèrement :

La vertu qu’ils n’ont plus est toute en leur discours.


De rares « avis au lecteur » lui paraissaient suffisants. Il estimait son public assez avisé pour faire tout seul son profit, du reste. Aussi purgera-t-il le Guzman, de ses « moralités superflues », en faisant cette déclaration qui est le fond de sa pensée là-dessus :

Tous les romans de cette espèce, pour peu qu’ils aient de sel et de gaieté, ont ordinairement une approbation générale. D’où vient cela ? c’est que les faits qu’ils contiennent sont des tableaux de la vie civile, des portraits qui corrigent, sans qu’on s’en aperçoive, en offrant aux yeux des images qui, passant dans l’âme, y font plus d’impression que n’en pourraient faire tous les préceptes de morale. En un mot, ils instruisent par l’exemple, et instruire ainsi, comme dit si joliment M. Dacier, c’est la fine fleur de la philosophie.

Cet éloge qu’il fait si généreusement du Guzman s’applique surtout à son Gil Blas. Les contemporains en jugeaient de même : « Dans tous les états de la vie où il place son héros, disait le Mercure de France, il trouve une source de préceptes très utiles et d’une saine morale. » On se montre plus difficile aujourd’hui : on ne conteste pas l’utilité de ces préceptes, mais on n’accorde pas qu’ils soient d’une morale assez saine. Nous pour-