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Page:Lintilhac - Lesage, 1893.djvu/195

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LESAGE.

dans le Théâtre de la Foire, et le marquis de la Tribaudière dans Turcaret, manquent par trop d’autorité.

Mais, de grâce, qu’on leur pardonne leur gaîté, ce fruit naturel de la croyance inébranlable de leur père très chrétien à la compensation finale des biens et des maux et à la Providence. Elle est leur plus grande vertu. Qu’on leur en sache gré, bien plutôt. Pourquoi leur reprocher si amèrement ce philosophique « parti pris de la vie humaine et de ses traverses », et de n’avoir pas le sens de « nos chères et cruelles maladies modernes » ? Vive Gil Blas, s’il peut contribuer à délivrer la France nouvelle de tous ces bâtards de Jean-Jacques, qui ont mal à l’âme, mal à la vie, comme ils disent, et dont la mélancolique lignée va de Werther au Lazare de la Joie de vivre, en passant par les Oberman, les René, les Adolphe et le lamentable Frédéric de l’Éducation sentimentale. Et d’ailleurs quoi de plus vraiment français que cette morale de l’action et de la gaîeté, qui fut jadfs le pantagruélisme, la philosophie « confite en mépris des choses fortuites », et qui engendra chez le fils le plus authentique de Gil Blas, chez ce le beau, le gai, l’aimable Figaro », cette hâte à « rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer » ? Souhaitons donc que cette saine conception de la vie telle qu’elle se dégage de l’œuvre de Lesage, garde longtemps parmi nous sa légitime influence. Elle vaut à nos yeux toutes celles que l’auteur du Gil Blas et de Turcaret a exercées par son talent d’écrivain, et dont il nous reste à parler.