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Page:Lintilhac - Lesage, 1893.djvu/198

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SA POSTÉRITÉ LITTÉRAIRE.

Fielding, et le colonel Jack de Daniel de Foë, jusqu’à l’Olivier Twist de Dickens. Certes ce dernier s’inspire directement du Lazarille de Tormes, mais on relèverait encore dans les aventures de Twist, en la compagnie de Silkes et des « matois » de la Cité, assez d’analogies avec celles de Gil Blas en la compagnie de Rolando, pour prouver que Dickens avait les premiers livres du roman de Lesage sous les yeux en composant le sien.

En France, après le Paysan parvenu, l’influence directe du Gil Blas sur l’évolution du roman au dernier siècle est bien moindre et plus difficile à suivre qu’en Angleterre. En même temps qu’achève de paraître le Gil Blas, la vogue lui est disputée par les romans psychologiques de Marivaux et les romans romanesques de Prévost, comme on le voit nettement dans les articles de Desfontaines. Puis c’est le flot toujours montant des prêches moraux de Richardson, des prêches philosophiques de Voltaire, en attendant les professions d’athéisme de Diderot, et les professions de foi de Rousseau, et les contes dits moraux de Marmontel, et ainsi de suite jusqu’au bout du siècle, sans que Lesage ait rien à réclamer formellement dans cette foule de romans-manifestes et de moralités lubriques. N’y a-t-il pas pourtant un rapport notable entre sa conception de la vie et celle de son plus illustre détracteur, au moins dans le roman de Candide, dont la morale pratique est si voisine de celle du Gil Blas ? Sa manière réaliste de peindre le monde se retrouverait d’ailleurs, tout échauffée