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Page:Lintilhac - Lesage, 1893.djvu/203

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LESAGE.

— comme si la question d’argent, ainsi posée, avait semblé trop grave à la comédie du XVIIIe siècle —, après le malin Belphégor de Legrand (1721), Turcaret cesse brusquement de provoquer des copies, car peut-on le reconnaître dans l’anodin séducteur du Triomphe de Plutus, ou dans le benêt Jaquin du Triomphe de l’Intérêt ou encore dans le bourgeois du Glorieux qui fait sonner haut le million d’écus dont il est « seigneur suzerain », mais qui borne son faste à bâtir, son libertinage à vouloir mettre Lisette dans ses meubles, et son insolence à appeler son noble gendre « mon cher garçon », exactement comme M. Poirier, et avec le même succès ? Turcaret est plus reconnaissable dans le Morand des Mœurs du jour de Collin d’Harleville, où Basset rappelle d’ailleurs M. Rafle ; il l’est surtout dans le Duhautcours de Picard, et encore, si l’on veut, dans le Piffart des Actionnaires de Scribe.

Mais, à dire vrai, la postérité de Turcaret commence avec Robert Macaire, qui a d’ailleurs lu le Gil Blas, témoin la scène plaisante où, s’approchant du bourgeois qu’il veut voler, il dit, le pistolet au poing : « Ah ! mettons-y des formes,… Monsieur ! » Avec son inséparable Bertrand, il fait un plaisant pendant au couple de Turcaret et de M. Rafle, et Lesage les eût accueillis l’un et l’autre avec une joie toute paternelle sur son théâtre forain. Il n’eût même pas fait fi de M. Gogo qui, renouvelé du Clairénet des Actionnaires, symbolise à merveille les dupes de Turcaret, et notamment le serrurier auquel ce der-