Aller au contenu

Page:Lintilhac - Lesage, 1893.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
LESAGE.

duction et de l’adaptation, et enfin, osant être lui-même, d’écrire pour la postérité.

Elle lui doit le premier roman et la première comédie de mœurs qui méritent le nom de chefs-d’œuvre. Il s’y est montré à la fois l’héritier direct de Molière et l’évident précurseur de tous les novateurs réalistes de ce siècle. On peut estimer sans doute qu’en lui le penseur fut médiocre, le psychologue un peu superficiel, et l’artiste trop simple, mais n’a-t-il pas été tout ce qu’il a voulu être, c’est-à-dire un observateur des mœurs, un peintre de la vie et, sans fracas de théorie, un praticien du réalisme à peu près parfaits ? N’est-il pas sûr enfin de vivre à jamais dans la mémoire des hommes, avec les noms de Gil Blas et de Turcaret, aussi clairs et aussi populaires que ceux de Panurge, de Tartuffe et de Figaro ? Non content de divertir sans cesse, d’instruire beaucoup, et de corriger un peu les hommes de son temps et de tous les temps, par ses deux chefs-d’œuvre, il a aussi mêlé pour eux l’utile à l’agréable, dans des œuvres secondaires, dont aucune n’est indigne d’arrêter peu ou prou les regards de la postérité. Que de documents humains l’auteur du Diable boiteux et du Théâtre de la Foire a mis en œuvre avec une verve souvent exquise ! Que de contributions il a apportées partout à cette science de l’homme, de l’être ondoyant et divers, du monstre incompréhensible, qui est aujourd’hui pour la littérature une ambition plus haute que l’art même ! Que de titres enfin à être un des patrons du journalisme