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AUTOUR D’UNE AUBERGE

mots, passa du rouge au violet, se fâcha, et finit en déclarant qu’il remédierait au mal, en dressant un règlement sévère que l’on suivrait rigoureusement. M. Héroux ne pouvant rien obtenir de plus rentra au presbytère pour pleurer sur ce nouveau malheur : il était consterné. Rougeaud n’osait plus rencontrer son Curé. Lorsqu’il s’apercevait qu’il venait au-devant de lui, il tournait les talons, et fuyait. D’aucuns prétendaient qu’il n’allait plus à confesse. Comme un abîme en appelle un autre, il se mit à fréquenter ce lieu dangereux. Peu à peu, par degré, il fut atteint de la passion de l’ivrognerie. Sans être un traînard, il aimait, comme il le disait à ses copains, à prendre le petit coup, ce qui lui valut le surnom de Rougeaud le « petit-coup ».

Tous les ans, M. le Curé tonnait contre l’auberge devenue, malgré les promesses formelles du maire un lieu de désordres et d’immoralités. La paroisse de Notre-Dame, jusque-là si avantageusement connue et dont la réputation d’honnêteté était répandue au loin, fit bientôt sensation dans le pays. Les mauvais journaux des grandes villes, mis au courant des scènes scandaleuses qui s’y passaient, racontaient à leurs lecteurs avec force réclames les exploits des libertins. Des jeunes gens, appartenant à de braves familles, se prirent de querelles au milieu des rires de gens sans foi et sans honte, et se battirent jusqu’au sang. Un jour, et ce ne fut pas la dernière fois, un homme fut blessé à la