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THUCYDIDE, LIV. VII.

la nécessité de fortifier Décélie et de ne pas se ralentir sur les opérations de la guerre.

Mais ce qui surtout les encourageait, c’était la pensée que les Athéniens, ayant à soutenir une double guerre contre eux et les Siciliens, seraient plus faciles à vaincre ; que de plus leurs ennemis avaient donné l’exemple de l’infraction des traités. À la vérité les Lacédémoniens s’accusaient bien plus eux-mêmes de les avoir violés dans la guerre précédente, puisque les Thébains, en pleine paix, étaient entrés à Platée, et parce que d’ailleurs le traité défendait d’en venir aux armes contre la puissance contractante qui offrirait de se soumettre à un jugement, et cependant ils avaient refusé d’écouter les Athéniens qui les appelaient en justice réglée. Ils regardaient donc leurs infortunes comme une juste punition de cette faute, et se reprochaient à eux-mêmes et la catastrophe de Pylos, et tous les autres revers qu’ils avaient éprouvés. Mais, depuis que les Athéniens, sortis de leurs ports avec trente vaisseaux, avaient dévasté les campagnes d’Épidaure et de Prasies, et d’autres territoires ; depuis qu’ils étaient partis de Pylos pour exercer le brigandage, qu’ils avaient refusé de prendre les voies de la justice toutes les fois que, sur des différends relatifs à des articles susceptibles de contestation, les Lacédémoniens les y avaient invités, ceux-ci, persuadés que les Athéniens attiraient sur eux, à leur tour, la peine d’une faute semblable à celle qu’auparavant eux-mêmes s’étaient reprochée, ne respiraient plus que les combats.

Le même hiver, ils ordonnèrent aux alliés de fournir du fer, et préparèrent tous les matériaux nécessaires pour les travaux de fortifications ; ils expédièrent aussi des secours en Sicile sur des vaisseaux de charge, et contraignirent les autres peuples du Péloponnèse à suivre leur exemple.

L’hiver finit, et la dix-huitième année de la guerre dont Thucydide a écrit l’histoire.

Chap. 19. Dès le commencement du printemps, les Lacédémoniens et les alliés firent soudain irruption dans l’Attique, sous le commandement d’Agis, fils d’Archidamus, roi des Lacédémoniens. Après avoir dévasté les plaines, ils fortifièrent Décélie : ce travail fut partagé entre les troupes des différentes villes. Décélie est située à cent vingt stades d’Athènes, et une distance égale, ou du moins pas beaucoup plus grande de la Béotie. Les constructions établies dans la plaine et dans les lieux forts par leur position, et d’où l’on pouvait le plus aisément nuire aux ennemis, se voyaient d’Athènes. Pendant que les Péloponnésiens et les alliés qui étaient dans l’Attique, s’occupaient de ces fortifications, ceux qui étaient restés dans le Péloponnèse envoyaient des hoplites en Sicile sur des vaisseaux de transport. Les Lacédémoniens firent un choix parmi les Hilotes et les néodamodes, et de ces deux classes ils tirèrent six cents hoplites qui eurent pour commandant le Spartiate Eccritus. Les Béotiens envoyèrent trois cents hoplites que commandaient Xénon et Nicon, tous deux de Thèbes, et Hégésandre de Thespies. Ils mirent à la voile, en partant de Ténare, cap de la Laconie, et, peu de temps après, les Corinthiens envoyèrent cinq cents hoplites, les uns de Corinthe même, les autres pris à leur solde dans l’Arcadie, commandés par Alexarque de Corinthe. Les Sicyoniens envoyèrent, avec les Corinthiens, deux cents hoplites que commandait Sargée de Sicyone. Les vingt-cinq vaisseaux de Corinthe, équipés pendant l’hiver, se tenaient en station vis-à-