Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/379

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
378
THUCYDIDE, LIV. VII.

je sais que vous aimez à entendre des mensonges flatteurs, mais qu’ensuite vous en accusez les auteurs, si les événemens ne répondent pas à leurs promesses. J’ai donc jugé plus sûr de vous dire la vérité.

Chap. 15. » Soyez persuadés que tous, chefs et soldats, dans l’expédition dont vous les avez chargés, se sont conduits sans reproche ; mais, à présent que la Sicile entière se soulève contre nous et attend une nouvelle armée du Péloponnèse, souvenez-vous bien, dans vos délibérations, que vous n’avez ici que des forces insuffisantes. Il faut ou les rappeler, ou envoyer une seconde armée de terre et de mer, aussi forte que la première, avec de l’argent, et beaucoup : il faut aussi me donner un successeur ; la néfrétique dont je suis tourmenté ne me permet plus de rester à mon poste. Je mérite de votre part cette condescendance. Tant que j’ai eu de la santé, je vous ai servis, souvent avec bonheur, à la tête de vos armées. Au reste, ce que vous jugerez à propos de faire doit être prêt dès le commencement du printemps ; point de lenteurs. Les ennemis de Sicile n’ont pas beaucoup de chemin à faire pour s’approvisionner en Sicile. Quant aux provisions du Péloponnèse, elles tarderont, il est vrai ; mais, si vous n’y prenez garde, les uns, comme précédemment, arriveront, à votre grand étonnement ; les autres vous préviendront. »

Chap. 16. Voilà ce qu’exposait la lettre de Nicias. Les Athéniens, après en avoir entendu la lecture, ne lui donnèrent point de successeur ; mais, jusqu’à l’arrivée des collègues qu’ils lui choisirent, ils lui adjoignirent deux hommes de son armée, Ménandre et Eutydème, pour que, dans son état d’infirmité, il ne soutint pas lui seul toutes les fatigues. Ils décrétèrent l’envoi d’une autre armée de terre et de mer, composée d’Athéniens inscrits sur le rôle et d’alliés, élurent pour collègues de Nicias Démosthène, fils d’Alcisthène, et Eurymédon, fils de Théoclès, et se hâtèrent d’expédier ce dernier à l’approche du solstice d’hiver, lui remettant dix vaisseaux et cent vingt talens d’argent, et le chargeant d’annoncer à l’armée qu’elle recevrait du renfort et qu’on s’occupait d’elle.

Chap. 17. Démosthène devait partir au commencement du printemps : en attendant, il songeait aux préparatifs. Il ordonna aux alliés de tenir prêts de l’argent, des vaisseaux, des gens de guerre. Les Athéniens envoyèrent sur les côtes du Péloponnèse vingt vaisseaux en observation, pour empêcher qu’on ne passât de Corinthe et du Péloponnèse en Sicile : car les Corinthiens, depuis le retour de leurs députés, mieux informés de l’état du pays, et persuadés qu’ils avaient eu raison d’expédier les premiers vaisseaux, mettaient encore plus d’ardeur dans leurs résolutions. Ils se disposaient à transporter des hoplites en Sicile sur des vaisseaux de charge, pendant que les Lacédémomens en expédieraient des autres parties du Péloponnèse, et ils équipaient vingt-cinq vaisseaux destinés à provoquer au combat la flotte d’observation qui était à Naupacte : d’ailleurs les Athéniens de Naupacte troubleraient moins la traversée de leurs vaisseaux de charge, étant obligés de surveiller les trirèmes qu’on leur opposerait.

Chap. 18. D’un autre côté, les Lacédémoniens se préparaient, comme ils l’avaient auparavant décrété, à faire une nouvelle irruption dans l’Attique. Ils étaient excités par les Syracusains et les Corinthiens, qui savaient qu’Athènes envoyait des secours en Sicile, et qui voulaient mettre obstacle à ces renforts par une diversion sur le pays ennemi. Alcibiade les pressait, montrait